Ils se cachent au grenier, dans une malle poussiéreuse dont on craint qu’une souris ne s’échappe lorsqu’on l’ouvrira, au fond du tiroir d’une armoire centenaire dont le bois a tellement travaillé qu’il faudra bien deux hommes pour le faire céder, dans le coin le plus sombre et encombré de l’atelier du grand-père, au milieu des crottes de souris et des toiles d’araignées, ces petits trésors.
On les trouve aussi dans les brocantes, les marchés aux puces et les vide-greniers, jetés pèle-mêle dans des valises ou des boîtes à chaussures déchirées, posés à côté d’une collection de cartes panini usées, coincés entre un carton de vinyles rayés et une pile de livres de poche écornés, témoins d’une histoire dont biens souvent les vendeurs ignorent tout ou qui n’est même pas la leur, ces petits trésors.
Ces petits trésors ce sont ces photos cartonnées du début du siècle dernier sur lesquelles personne ne sourit, où tout le monde parait plus vieux que son âge, où l’on devine l’importance et la rareté du moment. Ces photos ce sont la seule image de l’arrière-arrière-grand-mère, la dernière de l’oncle, du frère ou du père dans son uniforme avant de partir à la guerre, la première de la grand-mère qui nous rappelle que même elle, un jour, a été bébé. Ce sont les témoins de vies passées, d’un monde disparu, les marqueurs de ce moment où la généalogie devient histoire familiale, intime et personnelle.
Ces petits trésors ce sont ces actes de vente qui auront été jugés suffisamment importants pour être mis à l’abri du temps dans une boite en fer blanc et sur lesquels on trouvera, à côté du cachet du notaire impérial, la signature assurée d’un aïeul ; une vieille bible rongée par les souris dans laquelle le patriarche aura scrupuleusement consigné tous les événements familiaux, des lettres du front d’un fils à ses parents ou d’un mari à sa femme. Écrits ou signés de leur main, ces documents sont peut-être le lien le plus direct que l’on puisse établir avec nos ancêtres.
Ces petits trésors ce sont ces soldats de plomb oxydés ou une poupée défraîchie que l’on retrouvera sur une photo jaunie à côté d’un enfant qui ne sourit pas. C’est le plaisir d’utiliser des outils sur lesquels un aïeul aura gravé son nom, de jouer avec un bout de bois que le grand-père aura vaguement taillé en forme de fusil, de faire cuire un gâteau dans un vieux moule en terre cuite à l’extérieur noirci par d’innombrables passages au four mais à l’intérieur toujours impeccablement émaillé. Tout cela n’apporte bien sûr rien à la généalogie mais l’essentiel n’est pas là lorsqu’on tient ces petits trésors dans ses mains.
En lisant ton bel article, j’ai, devant mes yeux, l’image de deux gamins d’une dizaine d’années, en train de fouiller partout dans la « budig » et ailleurs à la recherche de ces petits trésors dont tu parles si bien… et qui nous relient les uns aux autres de génération en génération !
Des petits trésors oui, j’aime !
Quelle joie de pouvoir ouvrir cette malle et feuilleter l’album des photos ! Superbe article !
Un article émouvant qui m’interpelle. En effet, je dispose d’une vieille valise qui appartenait à ma grand-mère, et dans laquelle, j’ai retrouvé de très nombreuses photos en vrac, non annotées à mon grand désespoir, et parfois bien défraîchies par le temps !
merci pour ces petits trésors ! 🙂
Je retrouve dans cet article tous ces petits trésors que je conserve précieusement, et qui sont finalement si peu de choses… certes. Mais ce sont les derniers éléments qui nous raccrochent à des souvenirs qui s’effacent peu à peu.