Intermède littéraire

L’acouphène est revenu, bien sûr. Quand ? Je n’en sais rien. Cette nuit, il était là, tout sifflant dans mon insomnie. J’en suis presque rassuré. Ces petits maux, qui nous terrorisent tant à leur apparition, deviennent plus que des compagnons de route, ils nous deviennent. Naguère, c’était par eux que la vie de village vous désignait très naturellement : le goitreux, le bossu, le chauve, le bègue. Et dans les classes de mon enfance les élèves entre eux : le gros, le bigleux, le sourdingue, le boiteux… De ces tares considérées comme de simples données, le Moyen Âge a fait des noms de famille. Les Courtecuisse, Legras, Petitpierre, Grosjean et autres Leborgne courent encore les rues de nos jours. Je me demande quel sobriquet m’aurait infligé cette rude sagesse médiévale. Lesiffleur ? Dusifflet ? Le père Dusifflet ? Va pour le père Dusifflet. Vous savez, celui qui a un sifflet dans la tête ! Accepte-toi pour ce que tu es, Dusifflet, et fais de ton nom une gloire.

— Daniel Pennac, Journal d’un corps

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